« La justice patrimoniale » et les régimes matrimoniaux votée le 23 mai 2024

Publié le mai 28, 2024
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Le texte de loi de la Commission Mixte paritaire sur « la justice patrimoniale » vient d’être adopté par l’Assemblée Nationale le 23 mai 2024 à l’unanimité, après l’adoption au Sénat le 20 mars dernier.

Cette justice patrimoniale s’intègre parfaitement dans la poursuite des luttes faites aux femmes et aux membres de la famille.

Cette Loi met un coup d’arrêt aux injustices liées à l’application des règles inhérentes aux régimes matrimoniaux, que ce soit en cas de violences conjugales, ou du fait de la séparation des époux.

Lors des débats, un consensus a été rapidement trouvé sur ce qui était qualifié d’« angle mort indécent de notre législation », de « grave lacune », de « faille juridique », «  proprement intolérable, ubuesque, injuste »

A l’unanimité, la déchéance des avantages matrimoniaux en cas de meurtre vient d’être votée.

Cette Loi s’est en outre saisie du problème de la solidarité fiscale, ou du jeu de certains avantages matrimoniaux en cas de divorce, en ce qui concerne le régime de la participation aux acquêts.

La déchéance des avantages matrimoniaux en cas d’atteinte à la personne du conjoint

En matière de succession, le mécanisme de l’indignité successorale permettait déjà d’exclure le conjoint auteur d’un meurtre, ou d’une tentative de meurtre, de la succession de sa victime.

En ce qui concerne les donations, c’était par le biais de l’ingratitude que la donation faite à son profit était révoquée.

Restait la problématique du maintien des avantages matrimoniaux consentis à son profit par contrat de mariage.

L’avantage matrimonial permet de rompre l’égalité des patrimoines en avantageant le patrimoine de l’un des deux époux lors de la liquidation du régime. C’est donc une clause permettant une organisation différente lors de la liquidation pour avantager un des deux patrimoines.

Cela peut être le cas de clauses élargissant la communauté à d’autres biens, attribuant l’entière communauté à l’époux survivant en communauté universelle, permettant le prélèvement d’un bien en particulier, ou encore restreignant la masse commune.

Ces clauses continuaient à s’appliquer en cas de décès, ce qui permettait à l’auteur d’un meurtre d’être financièrement avantagé, en restant bénéficiaire de l’avantage matrimonial, ce qui était totalement inadmissible.

Il s’agit donc de priver les époux reconnus coupables d’actes graves sur la personne de son conjoint (meurtre ou de tentative de meurtre, viols, agressions sexuelles, tortures,..) des avantages matrimoniaux, que ceux-ci prennent effet au décès ou à la dissolution du régime.

Cette déchéance sera automatique en cas de meurtre, et facultative pour les autres cas. Elle sera prononcée soit dans les six mois du décès du conjoint victime, soit de la condamnation si elle lui est postérieure.

Il avait été proposé d’intégrer une faculté de pardon, pourtant prévue en matière d’indignité, permettant d’exprimer la volonté de maintenir les avantages matrimoniaux, mais compte tenu des risques d’emprise, celle-ci n’a pas été retenue.

Il a également été prévu l’obligation de remise des fruits et revenus tirés de l’avantage matrimonial, dès la dissolution de la communauté.

Les conditions de mise en œuvre de cette déchéance ont été réglées par le texte, lequel s’applique également aux contrats de mariage en cours.

La reconnaissance d’une décharge de solidarité fiscale

Dès lors que les époux, ou les partenaires, forment un seul foyer fiscal, ils sont fiscalement réputés solidairement débiteurs de la dette fiscale, quelque soit le régime matrimonial choisi. Les époux sont donc chacun débiteurs de la totalité de la somme due, même s’ils ne sont pas à l’origine de cette dette.

Cette solidarité fiscale ne s’éteint pas du fait de la séparation et survit au divorce du moment que la dette a été contractée durant l’union des ex-époux.

Depuis quelques années, les ex-époux pouvaient demander une décharge de paiement, mais celle-ci n’était pas automatique, et restait au bon grès de l’Administration Fiscale.

La loi de « Justice patrimoniale » permet une exemption de la solidarité fiscale au profit de l‘ex-époux qui n’a pas contracté la dette fiscale. C’est donc un cas de dissociation fiscale permettant au conjoint d’être dispensé du paiement de la dette.

Jusqu’ici la dette fiscale devait également être remboursée, même en cas de séparation, par l’ex-époux non contractant, du moment que sa situation patrimoniale et financière n’était pas disproportionnée par rapport au montant de la dette. Depuis 2022, la capacité financière pour rembourser la dette était évaluée sur une période limitée à 3 ans.

Pour obtenir cette décharge de solidarité fiscale, : l’ex-époux doit justifier ne pas en avoir bénéficié et ne pas en avoir eu connaissance.

Dans ce cas, l’ex-conjoint sera traité comme un tiers et son patrimoine sera épargné.

Notons cependant ici que la décharge ne sera pas totale, et sera différente en ce qui concerne l’impôt sur le revenus et l’impôt sur la fortune immobilière.

Condamnation de l’avantage matrimonial d’exclusion des biens professionnels en cas de divorce dans le régime de la participation aux acquêts

Le texte de loi condamne en outre la clause excluant les biens professionnels en cas de divorce des actifs dans le régime de la participation aux acquêts, tel que demandé depuis quelques années par les Notaires des France, et jugé par la Cour de Cassation à plusieurs reprises (1er Cass. 31 mars 2021 entre autres).

Cette clause constitue un avantage matrimonial dans le régime de participation aux acquêts puisque dans ce régime, à la dissolution, celui qui a participé le plus doit faire participer l’autre grâce au système de la créance de participation.

Généralement, cette clause ne jouait qu’en cas de divorce, pour exclure du calcul de la créance de participation les biens professionnels.

Cet avantage matrimonial avait un effet particulièrement injuste pour l’ex-époux au regard de l’importance générale des biens professionnels car elle permettait à celui qui avait le plus participé de ne pas en faire profiter son conjoint, ce qui va à l’encontre de l’idée du régime de la participation aux acquêts.

Catégories Droit de la famille