L’IMPUTATION EN VALEUR DES LIBERALITES ENTRE EPOUX EN USUFRUIT SUR LES DROITS LEGAUX
Le principe de l’imputation des libéralités entre époux sur les droits légaux : le non-cumul
Comment s’articulent les droits légaux du conjoint survivant lorsque celui-ci est également bénéficiaire de libéralités ?
L’article 758-6 du Code Civil prévoit le non cumul des libéralités entre époux et des droits légaux du conjoint survivant, lesdites libéralités s’imputant en valeur sur la vocation légale du conjoint survivant.
Ce non-cumul vient d’être rappelé dans un arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 17 janvier 2024, sans doute point novateur mais qui a le mérite d’être on ne peut plus clair.
Il était ici question d’un conjoint survivant, légataire de la pleine propriété des liquidités du défunt, en présence d’enfants non communs.
Lors de opérations de liquidation et de partage, le notaire avait cumulé la vocation légale et la libéralité faite au conjoint survivant.
La question était donc celle de savoir si le conjoint survivant pouvait obtenir le quart la pleine propriété au titre de ses droits légaux, et l’usufruit des trois quarts au titre de la quotité disponible spéciale entre époux.
D’une part, et en présence d’enfants non communs, il résulte de l’article 757 du Code Civil que le conjoint survivant ne peut prétendre qu’au quart en pleine propriété au titre de sa vocation légale ;
D’autre part, la Cour de Cassation rappelle que c’est sur cette vocation légale que s’impute les libéralités faites en usufruit.
La limite étant celle de la quotité disponible spéciale entre époux de l’article 1094-1 du Code Civil, que la libéralité ne peut jamais excéder. Par contre, et si la libéralité ne la remplissait pas entièrement, le conjoint survivant pourrait demander le complément jusqu’à la limite de cette quotité disponible spéciale entre époux.
Alors comment imputer ces libéralités en usufruit sur des droits en pleine propriété ?
La conversion en capital de la libéralité faite en usufruit aux fins d’imputation
Ainsi donc, comment comparer la libéralité faite en usufruit pour savoir si elle dépasse le quart légal du conjoint survivant ?
Dans cet arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation du 17 janvier 2024, celle-ci retient la méthode de la conversion en capital de la libéralité faite en usufruit. Là encore, la jurisprudence antérieure était en ce sens, mais le principe est clairement réaffirmé.
La conversion en capital de la libéralité faite en usufruit aux fins d’imputation permet donc de comparer deux droits similaires.
Cette conversion en capital de l’usufruit se fait sur le barème fiscal de l’usufruit de l’article 669 du Code Général des Impôts.
Il convient donc de calculer la valeur totale de la libéralité, ou des libéralités, faite(s) au conjoint survivant, valorisée en capital, et d’ajouter cette valeur à celle des droits légaux du conjoint survivant.
Il s’agit ensuite de regarder si ce total excède ou pas la quotité disponible spéciale entre époux.
En fonction la libéralité sera, ou pas, réductible à hauteur de cette quotité disponible spéciale.