La modulation du tarif journalier: un très léger coup de pouce aux EHPAD

Publié le avril 11, 2024
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EHPAD : établissement d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes.

Le grand âge fait l’objet d’une profonde réforme en cours dans le cadre de loi « bien vieillir », laquelle après avoir été votée à l’Assemblée Nationale et au Sénat, vient d’être promulguée ce 08 avril 2024.

Dans un contexte financier catastrophique pour les EHPAD, une mesure en particulier devrait permettre un petit coup de pouce, qui sera malheureusement, bien peu suffisant.

Une modulation du tarif journalier pour les résidents non bénéficiaires d’une aide sociale

Dans le cadre de cette loi, l’une des mesures consiste à moduler le tarif journalier des résidents en fonction de leurs ressources.

Les modalités de calcul de cette modulation ainsi que vraisemblablement un plafond, seront fixés par un décret du Conseil d’État, à venir ultérieurement.

Cette modulation devra permettre une augmentation du tarif journalier pour certains résidents, sous réserve que ceux impactés ne bénéficient pas de l’aide sociale départementale (ASD).

Cette condition a conduit du reste certains députés à dénoncer « une taxation des riches ».

Deux régimes se mettront donc en place :

  • L’un pour les bénéficiaires de l’ASD, qui ne seront pas concernés par l’augmentation du tarif journalier
  • Et les autres résidents, qui eux seront soumis à cette augmentation du tarif journalier.

Cette mesure ne devrait être applicable qu’aux nouveaux entrants en EHPAD, ceux déjà présents devraient bénéficier d’un maintien des conditions financières fixées lors de leur entrée. Affaire à suivre….

Nouveauté de la mesure ?

Pas vraiment.

Certains EHPAD appliquent déjà une modulation du tarif en fonction des ressources du résident.

Cette mesure vise plutôt à encadrer les modalités de calcul car aujourd’hui, cette modulation est faite de manière anarchique et discrétionnaire par l’établissement lui-même. Elle légalise donc ce qui est déjà pratiqué.

Pourquoi cette mesure doit-elle venir au secours des EHPAD ?

Rappelons d’ores et déjà que les EHPAD peuvent être publics, ou privés.

 Lorsque les EHPAD sont publics, le prix journalier est fixé par le Conseil Général, et favorise une population de faibles ressources.

Problème, lorsque l’EHPAD public est conventionné à l’aide sociale, c’est un tarif unique qui s’applique à ses résidents, quelques soient leurs ressources.

Les EHPAD publics conventionnés représentent de surcroit la majorité des EHPAD publics.

A l’inverse, les EHPAD privés fixent les prix librement, car ils sont souvent financés ou bien par des associations à but non lucratifs, ou bien par de grands groupes privés, le plus souvent caisses de retraites, mutuelles, groupes financiers, … Et pourtant, leur situation financière n’est pas plus confortable car eux-aussi subissent l’inflation de plein fouet.

La différence des prix pratiqués entre les EHPAD privés et publics peut donc être très importante, bien que certaines personnes à faibles ressources puissent cependant être résidentes en EHPAD privés, notamment par le biais de conventions avec l’ARS.

Et rappelons que ce n’est pas souvent le critère financier qui détermine dans quel établissement le résident entrera, mais plutôt celui de l’urgence de sa situation, et de la difficulté de trouver une place libre dans un EHPAD.

Cela devrait donc aider, bien que dans une faible mesure, les EHPAD. Car depuis plusieurs années, les EHPAD sont concernés par d’importantes difficultés financières. Certains n’hésitent du reste pas à parler de « crise financière ».

Qu’il s’agisse de la nourriture, du chauffage, du personnel dont les rémunérations ont été récemment augmentées dans le cadre du Ségur de la santé, des contraintes administratives à financer, ou bien du coût des activités proposées, les tarifs pratiqués par les EHPAD ne leur permettent ni d’absorber l’inflation, ni, et encore moins, de se dégager une marge. Beaucoup se retrouvent dans une situation financière déficitaire.

Et l’État n’a pas doté les EHPAD d’un budget supplémentaire leur permettant de compenser ces pertes. A tel point que certains maires se sont accordés pour introduire une action contre l’État pour manquement à ses obligations.

D’autant plus que depuis le scandale ORPEA mis en lumière par le livre « Les Fossoyeurs » de Victor CASTANET, il est évident que beaucoup d’établissements pratiquent une baisse de la qualité des services proposés pour tirer les prix au maximum.

La situation financière est à ce point catastrophique que bon nombre de directeurs d’EHPAD s’interrogent sur la survie de leur structure, au moment même où le vieillissement de la population, et le peu de places disponibles, deviennent un problème national.

Ainsi l’on s’interroge sur l’impact financier que pourra avoir cette mesure. Certainement, c’est un petit coup de pouce aux ressources des EHPAD, surtout publics, mais ne sera bien évidemment pas suffisant pour remettre à flot les établissements.

A défaut donc d’une vaste réforme financière, globale et significative, l’on attendra avec intérêt ce que donnera l’action contre l’Etat dont nous parlions ci-dessus.

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