L’accueil de l’animal de compagnie en EHPAD : vers la reconnaissance d’un droit?
Les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de Loi sur « la société du bien vieillir ont été adoptées par l’Assemblée Nationale le 19 mars 2024. Reste maintenant le vote du Sénat prévu le 27 mars prochain.
Un article de cette proposition de loi doit uniformiser l’accueil des animaux domestiques en EHPAD, à l’initiative du député Philippe JUVIN (LR).
Pour l’heure, cette possibilité reste au libre choix de l’établissement.
Vers la reconnaissance d’un droit à l’accueil de l’animal
La proposition de loi retient que » les EHPAD garantissent le droit de leurs résidents d’accueillir leur animal domestique et prennent des dispositions nécessaires à leur accueil »
Plus globalement, cette proposition s’intègre dans la volonté de réforme du grand âge, notamment dans le cadre de la loi pluriannuelle annoncée, dont le coeur politique est l’autonomisation de la personne âgée et la lutte contre le vieillissement.
La question du sort réservé à l’animal de compagnie pour un aspirant à l’entrée en EHPAD est en réalité souvent primordiale.
La séparation est extrêmement traumatisante pour une personne âgée qui vit avec son compagnon, d’autant plus que très souvent, faute de ne pouvoir être accueilli par les proches, ou adopté par un tiers, celui-ci est confié au bon soin de la SPA, déjà débordée par les abandons d’animaux. Les associations de protection des animaux ont déjà alerté sur cette problématique et en font régulièrement un combat.
Cela est d’autant plus dommageable qu’il n’est plus à débattre des effets bénéfiques de maintenir le lien animal-maitre. Au delà de l’aspect émotionnel et affectif, l’animal sollicite la mémoire de son maitre, l’aide dans un maintien de l’activité et favorise la sociabilité.
Il permet notamment au futur résident de ce sentir presque ou plus « comme chez soi » alors que le cadre de vie de ce résident est modifié. Et il est notoire que le déplacement d’une personne âgée et la perte de ses habitudes de vie constitue pour elle un vrai challenge, parfois un crève-coeur.
Ainsi donc la reconnaissance d’un droit à l’accueil de l’animal de compagnie est une avancée majeur dans la prise en compte d’un bien vivre pour une population vieillissante.
Mais peut être pas d’un droit opposable…
La difficulté majeure reste dans la mise en place de ce droit.
Les députés ont beau débattre, l’on retombe systématiquement sur la mise en oeuvre de ce droit.
Or rappelons qu’un droit opposable, c’est d’abord un droit légitime et nécessaire, mais c’est surtout un droit que l’on peut opposer à un tiers, qui a une obligation de résultat pour permettre l’exercice de ce droit.
Doit-on dès lors faire peser une telle responsabilité sur les EHPAD.
Car au delà des bienfaits de la compagnie de l’animal, les contraintes et problématiques d’organisation sont innombrables, et tout aussi légitimes:
- risque d’hygiène et de sécurité pour les autres résidents
- problème de comptabilité entre animaux
- limites à ce droit, notamment sur la capacité du résident à s’occuper de son animal
- catégorisation des animaux de compagnie, laquelle notion est très extensible
- structure même de l’établissement, permettant ou ne permettant pas cet accueil
- approvisionnement de la nourriture nécessaire
- risque de troubles pour les autres résidents (bruits, odeurs,..)
Devant l’ensemble de ces problématiques, et les interrogations compréhensibles soulevées, l’Assemblée Nationale renvoie la balle au Sénat. Il était d’abord d’un décret encadrant ce nouveau droit. Le Sénat semble se diriger vers la faculté pour chaque établissement de fixer lui même les modalités d’exercice de ce droit dans le règlement intérieur de l’EHPAD. Si tel était le cas, cette proposition de loi ne deviendrait elle pas simplement une incitation à accueillir les animaux de compagnie des résidents? Les EHPAD tenteront-ils réellement de mettre en place des solutions pour permettre l’exercice de ce droit par leurs résidents?
Espérons que ce droit sera finalement reconnu avec une vraie force obligatoire, et que les établissements seront aidés dans sa mise en oeuvre, car effectivement il s’agit de bien vieillir que de conserver à ses côtés son compagnon de vie.